Colloque (Dé)faire les catégories

Quand elles ne (nous) tiennent plus en place : sexe, genre et sexualité

Maison des Sciences de l'Homme Paris Nord

20, avenue George Sand
93210 La Plaine Saint-Denis

8, 9, 10

Octobre 2024


Format hybride : présentiel et en ligne

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Inscription obligatoire

Entrée libre

Présentation


La modernité européenne occidentale est indissociable de processus d'objectification croissante du monde, visant à rendre ses composantes distinctes, observables et donc contrôlables. L'importance contemporaine des « catégories » pour penser et gouverner – des sociétés, des individus, des réalités non humaines – repose sur des épistémologies et des pratiques de l'abstraction théorique, de la définition, du classement, de la hiérarchisation, de la différenciation ou encore de l'assignation. La production de ces outils d'entendement et d'analyse du monde doit donc être pensée conjointement avec les transformations historiques des rapports de domination et avec l'imposition de conditions de vie matérielles inégalitaires (Chow 1998; Curiel 2013; Grosfoguel 2022; Colin et Quiroz 2023).

Ce colloque envisage les catégories hégémoniques comme autant de tentatives de produire, naturaliser et légitimer un rapport de pouvoir, un ordre social hiérarchisé notamment, mais pas uniquement, en termes de classe, de race, de genre et de sexualité (Scott 1986; Vicente 2021). Il nous semble cependant que ce travail d'assignation et de maintien de l'ordre ne peut pas s'opérer sans échecs, ni sans produire ses propres marges (Kosofsky Sedgwick 1990; Lemebel 1996; Bento 2006; Cabral 2011; Espinosa Miñoso 2016). Il apparaît alors évident que certains corps, certaines subjectivités ou certains mouvements sociaux ne tiennent pas en place, refusent de rester à leur place, s'organisent pour se faire une place, ou plus radicalement encore, pour renverser l'ordre en place.

Dans le cadre de ce colloque, nous nous pencherons sur les actualités vivantes, polémiques et en mutation des catégories de sexe, de genre et de sexualité dans leur articulation avec les rapports de race et de classe. Dans le prolongement de travaux portant sur les épistémologies critiques des mouvements et pensées féministes, queer et décoloniaux (Bakshi, Jivraj, et Posocco 2016), nous chercherons à penser à partir des crises contemporaines qui traversent ces catégories, les déplacent, voire les font éclater. L'objectif de ces journées est d'appréhender de manière critique des catégories dont l'institutionnalisation au sein des champs académiques français est encore récente, fragile, voire contestée. Compte tenu du fait que les processus de racialisation et de colonialité traversent et structurent ces catégories (Anzaldúa et Moraga 1981; Mama 1995; Mohanty 2003), le comité scientifique sera donc particulièrement sensible aux propositions qui articulent la catégorie de race aux trois autres – sexe, genre, sexualité – et font appel aux approches critiques décoloniales et postcoloniales.

L'enjeu du colloque est ainsi pour nous de penser avec et contre les catégories de sexe, de genre et de sexualité. On cherchera à questionner leur efficacité critique, tout comme les processus de stabilisation normatifs liés à leur inscription dans les champs de savoirs académiques existants. Quels sont alors les risques et les potentiels liés au « devenir catégorie » des outils conceptuels des pensées critiques ? On se demandera notamment comment ces catégories ont été fabriquées et comment elles fonctionnent – aussi bien historiquement (D'Emilio 1983; Laqueur 1992; Chauncey 1994) que dans des champs d'études contemporains (Suess 2014; Oso, Grosfoguel, et Christou 2018). Comment est-ce que ces catégories nous font et nous défont, en tant que corps, individus, entités (Butler 2004) ? Quelles sont les logiques historiques et politiques de leurs transformations et de leurs mises en action en matière de revendication, de réappropriation, de résistance ? Quelles nouvelles perspectives font-elles émerger dans les savoirs et quelles sont leurs limites constitutives ?

Ce colloque se veut résolument inter et trans-disciplinaire (au sein des sciences humaines et sociales principalement), et souhaite faire émerger des dialogues stimulants entre des champs disciplinaires (linguistique, philosophie, sociologie, histoire, psychanalyse…) et des épistémologies différentes (théories féministes et queer, études décoloniales, marxisme…).

Orientation bibliographique 

Anzaldúa, G. & Moraga, C. (éd.) (1981). This Bridge Called my Back. Writings by Radical Women of Color, Third Woman Press.

Anzaldúa, G. (1987/2016). Borderlands/La Frontera: The New Mestiza. Madrid, Capitán Swing.

Ayouch, T. (2017). « Genre, classe, « race » et subalternité : pour une psychanalyse mineure », in Laurence Croix et al., Pour un regard neuf de la psychanalyse sur le genre et les parentalités, Érès, Point Hors Ligne, pp. 171-203.

Bacchetta, P., El Tayeb, F., Haritaworn, J. (2018). « Queer of Color Formations and Translocal Spaces in Europe », Environment and Planning D: Society and Space, 33(5) pp. 769-778.

Bakshi, S., Jivraj S., Posocco S. (éd.) 2016). Decolonizing Sexualities: Transnational Perspectives, Critical Interventions, Oxford, Counter Press.

Bento, B. (2006[2019]). A reinvenção do corpo: Sexualidade e gênero na experiência transexual. Salvador BA, Devires.

Bentouhami, H. (2022). Judith Butler, race, genre et mélancolie. Paris, éd. Amsterdam.

Bilge, S. (2015). « Le blanchiment de l'intersectionnalité », Re­cherches Féministes, vol. 28, n° 2, pp. 9-32.

Bourcier, S. (2017). Homo Inc.orporated. Le triangle et la licorne qui pète. Paris, Cambourakis.

Butler, J. (1990). Gender trouble: feminism and the subversion of identity, EE.UU, Routledge.

Butler, J. (2004). Undoing Gender, Londres, Routledge.

Cabral, M. (2011). « La paradoja transgénero », in Sexualidad, ciudadanía y derechos humanos en América Latina: un quinquenio de aportes regionales al debate y la reflexión, éd. Carlos F. Cáceres, María Esther Mogollón, Griselda Pérez-Luna et Fernando Olivos. Lima, IESSDEH – UPCH, 97-104

Cases Rebelles (2021). AfroTrans. Perspectives, entretiens, poésie. Paru le 11 janvier 2021.

Chow, R. (1998). « Introduction : On Chineseness as a Theoretical Problem ». Boundary 2, 25(3), 1‑24. https://doi.org/10.2307/303586

Combahee River Collective, (2006 [1979]). « Déclaration du Combahee River Collective », Cahiers du CEDREF, no. 14, pp. 53-67.

« Counter-Archives », (été 2021). Revue Kohl: a Journal for Body and Gender Research, vol. 7, No. 1. Consulté 25 juillet 2022, à l'adresse https://kohljournal.press/issue-7-1

Curiel, O. (2013). La nación heterosexual. Análisis del discurso jurídico y el régimen heterosexual desde la antropología de la dominación, Brecha lésbica, en la frontera.

Cvetkovich, A. (2003). An archive of feelings, Trauma, Sexuality, and Lesbian Public Cultures. Durham, Duke University Press.

De Lauretis, T. (1989). Technologies of Gender. Essays on Theory, Film and Fiction, Londres, Macmillan Press.

Dorlin, E. (2009). Sexe, race, classe : pour une épistémologie de la domination, Paris, PUF, coll. « Actuel Marx/Confrontations ».

Drucker, P. (2014). « La fragmentation des identités LGBT à l'ère du néolibéralisme », in Revue Période, publié le 6 novembre 2014.

Eribon, D. (1999). Réflexions sur la question gay. Paris, Flammarion.

Espinosa Miñoso, Y. (2012) « De por qué es necesario un feminismo descolonial: diferenciación, dominación co-constitutiva de la modernidad occidental y el fin de la política de identidad », revue Solar, Vol. 12, nº 1, pp. 141-171.

Espinosa Miñoso, Y. (2007) Escritos de una lesbiana oscura: reflexiones críticas sobre feminismo y política de identidad en América Latina, Buenos Aires-Lima, en la frontera.

Fausto-Sterling, A., (trad.) Bonis, O. & Bouillot, F. (2000/2012), Corps en tous genres : la dualité des sexes à l'épreuve de la science, Paris, La Découverte.

Foucault, M. (1971). «Nietzsche, la généalogie, l'histoire», Hommage à Jean Hyppolite, Paris, P.U.F., coll. «Épiméthée», pp. 145-172.

Glissant, E. (1981). Le discours antillais. Paris, Seuil.

Glocer Fiorini, L. (2017). Sexual Difference in Debate: Bodies, Desires, and Fictions. Londres, Routledge.

Grosfoguel R. (2022) De la sociología de la descolonización al nuevo antiimperialismo decolonial. Madrid, Akal.

Grupo de trabajo feminista/queer/cuir (Cuir Americas Working Group) (dir.) (2021). « Queer/Cuir de las américas: traducción, decolonialidad y lo incommensurable », El lugar sin límites, Revista de Estudios y Políticas de Género, vol. 3, nº5, https://revistas.untref.edu.ar/index.php/ellugar/issue/view/65

Hacking, I. (1995). Rewriting the Soul: Multiple Personality and the Sciences of Memory. Princeton University Press. (?)

Haraway, D. (2000). « A Cyborg Manifesto: Science, Technology and Socialist-‐Feminism in the Late Twentieth Century », in Bell, D. & Kennedy B.M. (eds), The Cybercultures Reader. London, Routledge, pp. 291–324.

Kosofky Sedgwick, E. (1990). Epistemology of the Closet. University of California Press.

Lander, E. (ed.) (2000). La colonialidad del saber: eurocentrismo y ciencias sociales. Perspectivas latinoamericanas, Buenos Aires, CLALSO.

Laqueur, T. W. (1990[1992]). La fabrique du sexe : essai sur le corps et le genre en Occident, Paris, Gallimard.

Lemebel, P. (1996) Loco afán: crónicas de sidario. Santiago de Chile, LOM Ediciones.

Lépinard, É. (2020). « Feminist whiteness: resisting intersectionality in France », in Intersectionality in Feminist and Queer Movements. Confronting privileges, Routledge, pp. 187-198.

Lugones, M. (2008) « Colonialidad y género » Tabula Rasa [En ligne], 9, [consulté le 30 avril 2021 sur https://www.revistatabularasa.org/numero-9/05lugones.pdf].

Millán, M. (2011). « Feminismos, postcolonialidad, descolonización: ¿del centro a los márgenes? », Andamios. Revista de Investigación Social, nº 17.

Moreira, A. K. (2016). « No sólo es tu existencia europea. Pensamiento hegemónico, negritud y multiculturalidad », Incorrecta. Afros · Feminismos · Migrantes · Sexualidades, sept. nº 12.

Nash, J. C. (2019). Black Feminism Reimagined. After Intersectionality. Duke University Press.

Oyěwùmí, O. (1997). The Invention of Women. Making an African Sense of Western Gender Discourses. Minneapolis, University of Minnesota Press.

Oso L., Grosfoguel R. et Christou A. (2018). Interrogating Intersectionalities, Gendering Mobilities, Racializing Transnationalism. Londres et NY, Routledge.

Preciado, P. B. (2000). Manifeste contra-sexuel, Paris, Ballard.

Regard F. et Tomiche A. (dir.). Déconstructions Queer. Les Fondamentaux, Paris, Hermann, 2023. Avec Sam Bourcier, Evelyne Grossman, Alexandre Jaunait, Cyril Vettorato.

Snorton, C. R. (2017). Black on Both Sides, A Racial History of Trans Identity, University of Minnesota Press.

Spivak, G. C. (1994). « Can the subaltern speak? », dans Colonial Discourse and Post-Colonial Theory: A reader, Williams, P. & Chrisman, L. (ed.), New York, Columbia University Press.

Suess Schwend (2014). « Cuestionamiento de dinámicas de patologización y exclusión discursiva desde perspectivas trans e intersex* », Revista de Estudios Sociales No. 49, Bogota, mai - août de 2014, pp. 128-143.

Urrea-Giraldo, F. et Posso Quiceno, J. (éd.) (2015). Feminidades, sexualidades y colores de piel. Mujeres negras, indígenas, blancas-mestizas y transgeneristas negras en el suroccidente colombiano, Cali, Universidad del Valle.

Valentine, D. (2007). Imagining Transgender: An Ethnography of a Category. Duke University Press.

Viveros Vigoya, M. (2018). Les couleurs de la masculinité. Paris, La Découverte.

Warner, M. (1991). « Introduction : Fear of a Queer Planet ». Duke University Press, revue Social Text, nº 29, pp. 3-17.

Wittig, M. (1980). « On ne naît pas femme », Questions féministes, nº 8, mai 1980, pp. 75-84.



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